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L'île étrange
Courant 1914, un soir de clair de lune, les îlois découvrirent dans le ciel, une immense croix formée par des nuages, la lune trônant au milieu... Ils en furent fort impressionnés et se demandèrent la signification, forcément dramatique, d’un tel phénomène...Quelques jours plus tard, La Grande Guerre éclatait...
La génération de nos parents se souvient d’une autre aurore boréale, qui embrasa le ciel fin août 1939... Les habitants du bourg coururent vers la grande plage pour contempler le ciel « en sang » et s’interroger, là encore... C’était juste avant la déclaration de guerre de septembre 1939. Décidément, la mise en scène est grandiose, quand se joue le destin du monde...
Ces phénomènes ont toujours trouvé un écho dans notre île, comme ailleurs. Un écho d’autant plus profond que les « intersignes » et les prémonitions de toutes sortes sont le quotidien des gens de la côte, lesquels ont peut-être ainsi « apprivoisé » l’angoisse de savoir un ou plusieurs des leurs constamment en danger.
Telle habitante de Pen Hap a entendu frapper à sa porte à plusieurs reprises, sans que personne ne se manifeste, au moment même où son fils se noyait dans le port de La Rochelle.
Telle autre, vivant au bourg, entendit la voix de son fiancé, alors en mer, l’appeler par son prénom : « Angèle ! Angèle !.. »... Elle sut peu après que c’était l’heure où il se noyait.
Le Grand Père T... revenait un soir par le Toulpry, quand il croisa une personne de sa connaissance. Elle lui sembla bizarre et ne répondit pas à son salut.
Monsieur T... arrivé chez lui, fit part à sa femme de cet étrange comportement.
_Tu n’as pas pu la rencontrer, répliqua l’épouse, elle est morte ce matin....
On avait horreur, dans notre enfance, de voir voler le hibou à raser les têtes... C’est pourtant ce qui arriva à deux fillettes terrorisées, un soir d’été, du côté de Kerscot. L’oiseau hurlait, c’était une effraie, qu’on appelait le « surjet » à l’île. Le lendemain, on apprenait la mort subite du meunier du Rahic....
A la messe, l’on savait que si l’heure sonnait juste au moment de l’élévation, une mort surviendrait dans la semaine. Coïncidence vérifiée maintes fois, paraît-il...
Mais cette familiarité avec « les mondes parallèles » n’était pas uniquement porteuse d’angoisse. Certains avaient, et ont toujours, de bonnes relations avec les énergies du monde invisible...
Gabrielle B... fabriquait des onguents et des pommades avec des herbes qu’elle savait cueillir au bon moment. Elle soignait les chutes des enfants, les brûlures... Elle disait s’être elle-même guérie d’un cancer de la peau avec des feuilles de violettes...
Les brûlures... Certains les soignent efficacement en soufflant dessus, spécialement s’il sont nés après la mort de leur père, ou bien le 23 avril, jour de la St Georges.
Quand on réveille les mémoires en évoquant ces pratiques d’antan, l’on est parfois surpris de voir que ni les mémoires ni les pratiques ne sont forcément mortes...
Cet article a été écrit par Jeannette Michel {j0205@club-internet.fr} le 16/06/2003